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22 novembre 2020

En Suisse, l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne attire toujours plus de Français

On ne les voit pas beaucoup en ces temps compliqués de Covid-19 où les amphis sont vides et les cours à distance devenus la norme. Mais ils sont là, en nombre. Ils ? Ce sont les étudiants français inscrits à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Et ils sont chaque année plus nombreux à se presser sur les bancs de cette prestigieuse université scientifique et technologique située dans la partie francophone de la Suisse.

En moins de dix ans, leur effectif y a triplé : l’établissement en dénombrait 923 en bachelor et master sur l’année 2010-2011 ; ils étaient 2 718 en 2019-2020. Dans le même temps, le nombre total d’étudiants progressait de 60 %, l’EPFL comptant à ce jour quelque 9 000 étudiants.

« Des Français, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup », indique le Lyonnais Raphaël Destriau, qui a enchaîné bachelor puis master en ingénierie des sciences du vivant. Ici, les étudiants helvétiques ont d’ailleurs coutume de blaguer en disant que l’EPFL est un établissement français. C’est dire ! Et la tendance semble se poursuivre. Sur les 2 000 inscrits en première année de bachelor, 980 ont un diplôme suisse et 780 un diplôme français.

Comment expliquer un tel succès auprès des Français ? De façon générale, « la réputation de l’école attire », souligne Pierre Vandergheynst, vice-président de l’EPFL, chargé de l’éducation. En outre, les conditions d’admission sont exigeantes : jusqu’en 2014, une mention bien au baccalauréat scientifique suffisait. Mais depuis, avoir une mention très bien est une condition sine qua non.

Le poids des classements

Cette réputation s’est construite au fil des ans sous l’impulsion du visionnaire Patrick Aebischer, à la tête de l’institution entre 2000 et 2016. Elle repose sur plusieurs éléments : un recrutement de professeurs très international – aujourd’hui, seul un tiers des professeurs possèdent un passeport rouge à croix blanche –, une recherche de pointe, notamment à l’interface entre l’ingénierie et les sciences de la vie… En outre, l’école dispose d’un campus moderne où l’on circule en skateboard ou à vélo, avec son « quartier de l’innovation » accueillant start-up et acteurs majeurs du monde industriel, et des bâtiments à l’architecture remarquable, comme le célèbre Rolex Learning Center, bibliothèque et lieu de vie.

Résultat des courses : l’EPFL, citée comme une référence par Emmanuel Macron lors de l’annonce en 2017 de la création de deux pôles universitaires à Saclay, progresse régulièrement dans les classements internationaux. L’université a ainsi gagné quatre places dans le dernier classement 2021 de l’institut britannique QS, pour se hisser au 14e rang des meilleurs établissements d’enseignement supérieur au monde. A noter : l’université PSL est la première française dans le classement, à la 52e place, et l’Ecole polytechnique occupe le 61e rang.

L’université a ainsi gagné quatre places dans le dernier classement 2021 de l’institut britannique QS, pour se hisser au 14e rang des meilleurs établissements d’enseignement supérieur au monde

Au-delà des classements, « la renommée par le bouche-à-oreille est très importante », ajoute François Gallaire, professeur de mécanique à l’EPFL et diplômé de l’X. Amandine Ducamp, en première année de bachelor en sciences du vivant, en sait quelque chose : c’est par le biais d’un ancien de son lycée venu présenter l’établissement lausannois, qu’est née son envie de s’y inscrire. « Tout dans sa présentation donnait envie : la réputation, bien sûr, mais aussi le cadre, la situation géographique, la proximité des montagnes », explique cette jeune Parisienne, un temps tentée par la classe prépa avant d’abandonner l’idée.

Il faut dire que pour les Français en particulier, l’EPFL offre des avantages : la proximité avec l’Hexagone, une région francophone. « Les étudiants accèdent à un établissement qui jouit d’une excellente réputation, tout en évitant de s’infliger la prépa », résume François Gallaire.

Ouverture pour travailler à l’étranger

Eviter la difficile case prépa, son stress, la pression forte des concours, un encadrement strict… Fort de son 17,42 de moyenne générale au bac, Raphaël Destriau n’a pas hésité. Pour Valentin Quelquejay, il aura fallu un peu plus de temps. Aujourd’hui en double master de cybersécurité, après un bachelor en systèmes de communication, tout le destinait à aller en prépa. « C’était la voie naturelle, nous étions préparés pour cela », se souvient cet ancien brillant élève d’un grand lycée parisien. Mais il avait aussi entendu parler de l’EPFL. « J’ai été attiré par l’excellence académique, l’environnement international, le campus », explique-t-il, convaincu d’avoir fait le bon choix et ravi d’avoir eu rapidement des cours enseignés en anglais dans sa section. « En première année, les cours sont surtout dispensés en français, même si certains d’entre eux, comme les maths ou la physique, peuvent être suivis en anglais ou en allemand. Dès la deuxième année, on bascule progressivement vers l’anglais, et en master, la langue de Shakespeare est de mise », détaille Pierre Vandergheynst.

Autre argument avancé par les étudiants français de l’EPFL : la possibilité de travailler facilement à l’étranger. « C’est un diplôme reconnu partout dans le monde », souligne Marin, en première année d’informatique et qui a fait toute sa scolarité dans des écoles françaises de l’étranger. Dans les faits, la moitié des diplômés français restent travailler en Suisse, où le marché de l’emploi demeure porteur et les salaires à l’embauche confortables. L’autre moitié part en France ou ailleurs. « C’est un diplôme qui, s’il est moins connu en France, nous ouvre plus de portes qu’une école française pour travailler à l’étranger », estime Valentin Quelquejay. « Les grandes écoles françaises sont surtout connues en France », ajoute Raphaël Destriau.

« Ici, on se spécialise dès la première année. On est à la fois dans le théorique et dans le pratique, avec des projets à rendre », indique Marin.

Les étudiants apprécient également le contenu de leur formation, différente du modèle des écoles d’ingénieurs généralistes à la française. « Ici, on se spécialise dès la première année. On est à la fois dans le théorique et dans le pratique, avec des projets à rendre », indique Marin. Bachelor en génie mécanique, mathématiques, physique, informatique, systèmes de communication, ingénierie des sciences du vivant… : à l’EPFL, le choix de la spécialisation se fait dès le départ. « Pas facile de trouver tout de suite la bonne section », souligne d’ailleurs Amandine Ducamp.

Et quid de la quantité de travail ? Même si les programmes semblent un peu moins denses qu’en prépa, « la première année est intense », juge Pierre Vandergheynst, qui rappelle que le taux d’échecs en première année est de 50 %. « Il faut savoir se prendre en main, être autonome et se mettre au travail dès les premiers jours », assure Amandine Ducamp. Mais à la différence de la France, où le rythme de travail diminue sensiblement dès lors que l’on intègre une grande école, ici, ça ne s’arrête jamais vraiment !

Ingrid Seithumer – Source : le Monde publié le 23 novembre 2020